79.
Will avait toujours été une créature nocturne et, en ce moment plus que jamais, il avait irrésistiblement besoin de traîner dehors. Le loup-garou de Bedford.
Il prit son coupé BMW noir, démarra en trombe dans l’allée sombre bordée d’arbres, parcourut environ cinq cents mètres sur Greenbriar Road, jusqu’au domaine voisin.
Un mur en pierre de taille, de hauteur irrégulière, délimitait le périmètre du Lake Club. Will dépassa l’entrée principale encadrée par deux piliers de trois mètres et gara sa voiture un peu plus loin, à un endroit bien précis, juste devant l’enceinte.
Il sortit de la BMW. Le mur s’ouvrit, révélant une allée qui menait à une porte dérobée, à l’arrière du club-house.
À l’intérieur régnait un silence presque palpable, évoquant luxe et intimité. Un silence qui, pour Will, ressemblait un peu à celui des cathédrales et des banques européennes.
La salle de billard et le fumoir étaient déserts. Will connaissait le chemin. Il arriva devant une autre porte, frappa, attendit, frappa de nouveau.
La porte s’ouvrit et Will cligna les yeux, ébloui par la lumière. Puis il vit les lambris d’acajou, le grand comptoir en chêne massif, les lampes Art déco et les peintures Renaissance.
Les hommes agglutinés devant le bar le regardèrent entrer et, dès qu’ils l’eurent reconnu, ils lui souhaitèrent le bonsoir. Will était ici chez lui.
Peter O’Malley faisait partie du comité d’accueil. Curieusement, lui et Will, qui se connaissaient déjà, avaient sympathisé. N’avaient-ils pas un point commun nommé Maggie ?
C’était Maggie qui les avait réunis, et ils parlaient souvent d’elle. Peter rêvait de la réduire en pièces.
Ce soir-là, tous deux avaient rendez-vous au country club où l’on organisait une petite fête des plus discrètes.
Une ou deux fois par mois, après l’heure de fermeture, certains membres du club amenaient de quoi s’amuser. Pour ces hommes importants, c’était une manière de décompresser un peu, loin du socialement et politiquement correct.
Dieu sait que chez eux, avec leurs épouses légitimes, ce genre de plaisir leur était compté.
Les flammes rouge et or qui dansaient dans l’immense cheminée de pierre projetaient un ballet d’ombres sur les murs de la pièce. Pour Will, elles étaient le feu de l’enfer.
« Une petite idée de ce qui nous attend », se disait-il.
Six filles se tenaient devant la cheminée, en plus ou moins bon ordre. Des filles très jeunes et très belles. À la lueur du feu, leurs longs cheveux brillaient et des reflets cuivrés caressaient leur peau nue.
La plus âgée devait avoir vingt ans, la plus jeune peut-être seize. Chacune d’entre elles portait un masque de sommeil noir. Les filles n’étaient jamais autorisées à voir les membres du club, ni même à connaître le lieu des réjouissances.
Will se fit la réflexion que le très exclusif Lake Club de Bedford Hills n’était qu’une façade, comme tout le reste.
Un peu plus tard dans la nuit, Will choisit l’une des jeunes filles. Elle était grande, blonde, et lui rappelait Jennie.